Guerres
et tournois formaient le fond de l'existence
de la plupart des nobles féodaux.
Mais certains ne s'en contentaient pas : presque assurés de l'impunité
dans leurs châteaux forts, ils vivaient en véritables brigands,
guettant les caravanes des marchands ou les pèlerins pour les
détrousser, se jetant sur les marchés pour rafler les objets mis
en vente.
Pendant les guerres privées,
pour nuire à l'adversaire, ils incendiaient les villages, arrachaient
les vignes, coupaient au pied les arbres fruitiers, attaquaient
même les paysans.
Aussi l'Eglise intervint-elle pour tenter de modérer ces horreurs.
Sans pouvoir supprimer ce que les mœurs avaient de brutal, elle
essaya d'en atténuer la fougue.
La transformation de la chevalerie, d'une part,
la création de la paix de Dieu ou de la trêve
de Dieu, d'autre part, répondirent à cet effort.
1) Transformation
de la chevalerie
L'église tenta d'introduire dans la vie militaire des préoccupations
religieuses et d'inspirer au noble l'idée de devoirs moraux qui
s'ajouteraient à ses devoirs de guerrier. Elle fit pour cela de
la cérémonie de l'adoubement, qui avait lieu primitivement sans
le concours d'aucun prêtre, une solennité chrétienne.
Le futur chevalier
dut s'y préparer par la veillée des armes, une nuit
de prière dans une chapelle, à la suite de laquelle il entendait
la messe et communiait.
Avant d'être équipé en lui faisant endosser successivement une
tunique blanche, en symbole de pureté, une robe rouge, image du
sang qu'il devrait verser pour défendre la religion, et un justaucorps
noir, pour lui rappeler la mort.
Les armes, déposées sur un autel, étaient bénites par le prêtre,
et c'était celui-ci qui, après un sermon, faisait remise de l'épée
" au nom de Dieu, de Saint Michel et de Saint Georges ".
Tout fut ainsi combiné
pour attacher à la chevalerie une signification morale.
Les devoirs du chevalier n'étaient plus seulement ceux d'un brave
guerrier, l'obligation d'être " preux, hardi et loyal ".
Ils lui imposaient encore la mission de protéger les pauvres gens,
les veuves, les orphelins, les pèlerins, les voyageurs. Un idéal
nouveau se fit jour ; et, si tous les nobles ne se montrèrent
pas immédiatement dignes des hautes vertus qu'on attendait d'eux,
l'influence des engagements pris contribua à la longue à les rendre
plus humains.
2) La paix et la
trêve de Dieu se proposèrent de porter remède aux guerres
perpétuelles, surtout aux guerres privées.
Dès le Xe siècle, des conciles d'évêques cherchèrent à mettre
à l'abri certaines catégories de personnes en défendant d'attaquer,
sous peine d'excommunication, les prêtres, les paysans, les marchands,
les femmes et les enfants.
Ce fut la paix de Dieu. Puis celle-ci fut complétée
par la trêve de Dieu, qui devait empêcher de se
battre à certains jours. Il fut interdit de guerroyer du mercredi
soir au lundi matin, sous peine de mort ou d'exil.
L'interdiction s'étendit plus tard, outre ces quatre jours, à
certaines fêtes de saints, aux Quatre-temps, même à tout à l'Avent
et à tout le Carême.
Malheureusement il
ne fut pas toujours possible de faire observer ces prescriptions.
Il eût fallu que l'Eglise disposât de forces militaires pour punir
les récalcitrants.
La trêve de Dieu ne produisit d'effets que dans quelques rares
circonstances.
C'est seulement lorsque la royauté française eut pris assez de
force, à partir du XIIe siècle, qu'elle put sérieusement intervenir
pour mettre fin aux guerres privées.
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