Plus que tout, le trait
caractéristique de la personnalité des seigneurs féodaux était
la passion de la guerre, non pas seulement de la guerre lointaine
contre l'ennemi du roi et du suzerain ou contre les infidèles
(la croisade), mais encore, et surtout,
la guerre contre le seigneur voisin, la guerre privée,
qui permettait d'accroitre son domaine en s'emparant d'une terre
ou d'un château, la guerre qui jetait même les uns contre les
autres les plus proches parents.
Dans cette société
sans organisation régulière, chacun ne cherchait qu'à se faire
justice soi-même : le moindre prétexte, une injure, une querelle,
fournissait l'occasion toujours désirée de revêtir la lourde armure
et d'enfourcher le cheval de bataille.
Les seuls épisodes
de grande envergure étaient les attaques des châteaux forts.
Les assaillants cherchaient à découvrir dans le système de fortifications
les points faibles.
Pour donner le change sur leurs intentions, ils attaquaient en
plusieurs endroits à la fois, dans l'espoir de disperser les forces
ennemies.
Après avoir gravi, en rampant ventre contre terre, les parois
des fossés, ils abordaient l'enceinte sous l'abri des leurs boucliers.
Dans les châteaux primitifs ils s'efforçaient alors de couper
les planches des palissades et d'y ouvrir une brèche ; dans les
château de pierre, ils ébranlaient les remparts en se servant
soit de béliers, lourdes poutres montées sur roues
et terminées par une pointe de fer, qu'on balançait en cadence
à force de bras, soit de pierriers ou de mangonneaux,
énormes frondes qui jetaient des blocs de rochers contre les murs.
Ils approchaient aussi de la porte d'entrée des charrettes de
bois sec aspergé de matières grasses, auxquelles on mettait le
feu.
Les assiégés se défendaient en précipitant de grosses pierres,
de l'huile bouillante, de la poix en fusion, et en tirant des
flèches par les ouvertures du rempart (les meurtrières)
ou par les créneaux.
Quand l'assaillant
avait réussi à faire une brèche dans les murs ou, par l'incendie
à détruire la porte, la lutte se poursuivait à travers les cours
successives et, en dernier lieu, à l'intérieur du donjon.
C'était alors le corps-à-corps : l'épée, la longue
épée sans tranchant, dont la pointe seule blessait, la hache à
deux tranchants, la masse d'arme, lourde massue
hérissée de pointes de fer, le fléau d'armes, manche
de bois auquel étaient fixés par des chaînes des boules de métal
garnies de piquants, s'escrimaient contres les hauberts et les
casques.
Si l'ennemi, renversé à terre, refusait de se rendre, on l'égorgeait
avec le grand couteau suspendu à la ceinture, la miséricorde.
Mais souvent les assiégés avaient pu profiter des souterrains,
creusés au-dessous du donjon, qui permettaient de gagner la campagne,
parfois à une assez longue distance.
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