Etienne Marcel
Etienne Marcel
 
LA CRISE INTERIEURE SOUS JEAN LE BON
1356 à 1358

Les origines de la crise

La défaite du roi à Poitiers n'avait pas eu seulement pour résultat l'humiliant traité de Brétigny. A l'intérieur, mauvais gouvernement, misère générale, agitation politique, toutes ces causes s'étaient jointes pour déclencher, de 1356 à 1358, une crise grave, qui prit même parfois les allures d'une véritable révolution.

Mauvais gouvernement
Jean le Bon, follement prodigue pour ses plaisirs, ses tournois, son palais, dominé, d'autre part, par des favoris indignes qui volaient l'Etat, avait dû recourir, pour se procurer de l'argent, à toutes sortes d'expédients, dont le plus ordinaire consistait, comme au temps de Philippe le Bel, à modifier sans cesse la valeur des monnaies. Mais cette politique déloyale, qui paralysait le commerce et l'industrie, avait jeté le discrédit sur une royauté aux abois. La catastrophe de Poitiers, la capture de Jean le Bon, son remplacement provisoire par un prince impopulaire et timide, son fils aîné Charles, achevèrent de la déconsidérer.

Misère générale
La guerre ruinait les paysans, dont les champs étaient continuellement dévastés. En outre, de 1347 à 1349, à la fin du règne de Philippe VI, une épidémie, la Peste Noire, venue de Chine, s'était déchaînée sur l'Europe occidentale, sur la France particulièrement, où la mortalité (huit cents personnes par jour à Paris) avait été effroyable. Dans les villes comme dans les campagnes, la vie matérielle, par la dépopulation, les pillages, l'arrêt des affaires, devenait de plus en plus difficile.

Agitation politique
De cette situation tragique certains essayaient de profiter.
Il y avait, d'abord, un prince du sang, Charles le Mauvais, roi de Navarre et comte d'Evreux, qui descendant de Philippe III, marié à cette fille de Louis X que Philippe V avait écartée du trône en 1316, gendre enfin de Jean le Bon, prétendait reprendre la couronne de France dont sa mère avait était évincée, intrigant d'autant plus dangereux qu'il avait des dons de diplomate, de beau parleur et une absence totale de scrupules.
Il y avait aussi certains ambitieux, venus des rangs de la bourgeoisie ou du clergé, qui, dans le désordre général, jugeaient le moment venu d'imiter les bourgeois de Flandre ou d'Angleterre et de faire comme eux place aux roturiers dans la vie politique : le marchand drapier de Paris, Etienne Marcel, l'évêque de Laon, Robert Le Coq. Or ils disposaient d'une institution que la royauté elle-même avait créée au temps de Philippe le Bel, ces Assemblées d'Etats, dont les souverains demandaient le concours dans les circonstances graves. Il leur parut que l'occasion était favorable pour dresser ces Etats contre le mauvais gouvernement de Jean le Bon et réclamer des réformes.

Les Etats de 1356 et 1357

Dés 1355, avant même la bataille de Poitiers, les Etats, convoqués pour consentir la levée d'un impôt extraordinaire, avaient exigé que cette levée fût faite par le soin de leurs délégués, les élus, premier acte de méfiance.
Après Poitiers, ils se firent plus audacieux. En 1356 ils réclamèrent que le Dauphin (1) Charles écartât de son entourage sept personnages suspects et qu'il créât un Conseil de vingt-huit membres, choisis par eux, où figureraient douze bourgeois, qui aurait pour mission de " tout faire et ordonner au royaume, aussi comme le roi ".
Puis, comme le prince les avait congédiés sans leur donner satisfaction, en 1357, ils le forcèrent à publier sous sa signature la Grande Ordonnance (mars), qui, sans aller aussi loin, promettait une réforme complète de l'administration. Leur but n'était guère douteux : il s'agissait d'établir un contrôle permanent des Etats sur les actes de la royauté. Si leurs efforts triomphaient, la France, à l'imitation de l'Angleterre, s'engageait dans la voie de la monarchie limitée.

(1) Depuis Philippe VI, la royauté avait mis la main, dans les Alpes, sur l'importante région du Dauphiné, dont le seigneur portait le titre de Dauphin de Viennois. Ce titre était passé au fils aîné du roi de France.

 

Etienne Marcel et le Dauphin

Leurs efforts ne triomphèrent pas. En 1538, en effet, malgré les violences d'Etienne Marcel, l'habilité du Dauphin réussit à sauver l'autorité royale.

Le meurtre des deux maréchaux
Energique et audacieux, Etienne Marcel, qui exerçait la charge de Prévôt des Marchands, visait à grouper derrière lui les mécontents et à faire de Paris une sorte de république communale, où les bourgeois domineraient et dont la royauté devrait reconnaitre les droits.
Pour y parvenir il n'hésita pas devant la violence.
Un matin de février 1358, à la tête de gens du peuple en armes, il envahit le palais : un des conseiller de Charles, le maréchal de Champagne, fut égorgé et son sang éclaboussa la robe du prince. Un autre, le maréchal de Normandie, pourchassé de salle en salle, périt également.
Pour soustraire le Dauphin aux insultes, il dut lui mettre sur la tête le chaperon aux couleurs parisiennes, bleu et rouge. Il apparut alors comme le véritable maître. Il ne craignit même pas de s'entendre avec Charles le Mauvais, qui affichait de plus en plus ses prétentions au trône.
Mais il avait compté sans le Dauphin.

L'habileté du Dauphin
On connaissait mal jusque-là le prince Charles, jeune homme pâle et maigre, à l'air doux et embarrassé. Son attitude à Poitiers, où il s'était laissé sans trop de résistance entraîner loin du champ de bataille, dès que la situation s'était gâtée, n'était pas faite pour rehausser beaucoup son prestige.
En réalité, derrière ces airs timides et méditatifs, se cachaient un sens pratique, une patience, une ténacité, qui n'attendait que l'occasion de révéler en lui le plus fin et le plus avisé des politiques.
Après avoir fait semblant de céder en 1357, pour gagner du temps, il découvrit opportunément son jeu en 1358, quand les audaces d'Etienne Marcel risquèrent de le réduire à rien.
A la fin de mars, il s'arrangea pour quitter Paris, et, sitôt libre, adressa un appel à tous ceux que les violences du Prévôt inquiétaient. Les nobles de plusieurs provinces, puis une Assemblée des Etats, réunie à Compiègne, lui assurèrent leur concours. Avec leurs subsides, il leva une armée pour marcher sur la capitale et en attendant s'empara de Montereau et de Meaux, les deux marchés où les Parisiens se ravitaillaient, les menaçant de famine.
En quelques semaines, Etienne Marcel n'était plus devenu qu'un rebelle, réduit à se défendre.

Le meutre des deux maréchaux
Le meurtre des deux maréchaux

La jacquerie

La situation d'Etienne Marcel fut encore aggravée par l'alliance qu'il contractait avec les paysans du nord de Paris, soulevés en masse à la fin de mai.
Exaspérés par leurs souffrances, les campagnards, en effet, les Jacques, comme on les appelait d'après le sobriquet de Jacques Bonhomme, attribué familièrement au paysan français, voulaient se venger des nobles, qu'ils rendaient responsables des malheurs publics : au nombre de cinq à six mille, venus des régions de Beauvais, de Senlis, de Compiègne, de Laon et de Soissons, commandés par des paysans comme eux, entre autres un anciens soldat Guillaume Carle, qui savait faire la guerre, ils se jetaient furieusement sur les châteaux, pillant, incendiant, tuant, quelquefois.
Mais ils ne tardèrent pas à être décimés (juin) par les seigneurs, qui, après la première surprise, organisèrent la résistance ; vingt mille d'entre eux furent cruellement massacrés, brûlés vifs ou pendus.
Etienne Marcel
, qui leur avait envoyé des secours se trouva compromis dans leur défaite ; les excès commis par eux rejaillirent sur lui.

 

Echec et mort d'Etienne Marcel

Désormais sa cause était perdue.
A la fin de juin, l'armée du Dauphin venait camper aux portes de Paris, resserrant le blocus. En vain essaya-t-il de faire appel aux Anglais, qui, à la faveur de la guerre civile, s'étaient eux aussi approchés de la capitale : une petite troupe d'ennemis et de soldats de Charles le Mauvais fut introduite dans la ville. C'était dépassait la mesure.
La population se souleva, tua une cinquantaine des étrangers, chassa les autres ainsi que le roi de Navarre. Enfin, le 31 juillet, comme Etienne Marcel se préparait à faire rentrer celui-ci, peut-être pour le proclamer roi de France, elle l'assassina, à l'instigation du bourgeois Jean Maillart, qui était gagné au parti du Dauphin.

 

Rétablissement de l'autorité royale

Les partisans de la politique d'Etienne Marcel, aussitôt emprisonnés, ne purent continuer la lutte : dès le 2 avril, le Dauphin rentra dans sa capitale et supprima toutes les mesures prises depuis deux ans ; Charles le Mauvais lui-même fit sa paix en 1359.
Quand Jean le Bon, après le traité de Brétigny, put revenir dans son royaume, il ne rencontra plus aucune opposition, bien qu'il n'eût rien changé à ses habitudes de prodigalité.
Ses dernières années (jusqu'en 1364) furent calmes.
L'effort des bourgeois pour modifier le gouvernement et se faire associer au pouvoir avait échoué totalement.

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Charles V
Charles V
 

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